Mise à jour
Mise à jour du 21 novembre 2023
Retour sur les lieux du crime par un autre académicien…
Confirmons d’entrée de jeu : il n’y a absolument rien à redire de la critique précédente : cadre, service et qualité des mets sont hors-pair. Tout au plus peut-on formuler quelques commentaires en entrant dans les détails :
Le prix des menus a évidemment évolué (€95 pour le ‘petit’ menu du déjeuner) et les autres menus à partir de €295 : on ne fait pas dans la dentelle. Petit menu donc, mais premier commentaire, plutôt sympathique, le service ne vous fait pas la gueule parce que vous avez choisi le moins cher (toutes les maisons ne sont pas comme cela).
Après quelques amuse-bouche originaux, la fameuse carotte cuite à la chaux (sans les langoustines dans ce menu). C’est bon, original, on sent peu le gingembre – ce qui est la marque d’un dosage bien fait. Pour suivre, un Merlan mariné accompagné d’une sauce coco assez époustouflante. Mieux vaut d’ailleurs s’attarder sur la sauce et l’accompagnement que sur le merlan lui-même (un demi-centimètre d’épaisseur la tranche pour 5cm de périmètre). C’est très bon mais des dimensions ‘normales’ ne nuiraient pas au plaisir. Pour conclure, une aiguillette de pigeon évidemment parfaitement cuite (là encore, 3x4cm en surface) et deux préparations à partir des cuisses : gros travail mais le plus surprenant, les deux sauces différentes (une réduction de jus de cuisson légèrement douce-amère et un bouillon). Il est clair que l’on a affaire à un très grand cuisinier. Dessert moins convaincant.
Pour accompagner, un vin finalement déniché à €115 dans la superbe carte : magnifique Chateauneuf du Pape de chez Mayard, tout en finesse et en fruits, s’accommodant parfaitement avec l’ensemble des plats. Une simple fausse note, le verre de vin blanc proposé en apéritif, ‘un blanc de Bordeaux de la maison’ dixit le Sommelier : traduction, un Cos d’Estournel blanc, effectivement très bon, mais facturé €56 le verre ; indécent.
Au global, une très grande table et si l’on s’en tient au menu de base, une expérience probablement supérieure à ce que l’on peut trouver dans d’autres maisons de même qualité pratiquant ce même niveau de prix. Cela étant, au dîner, prévoir €800 à deux soit finalement ce que coûte à Paris un deux-trois étoiles – qu’il est, par opposition à ceux qui facturent les mêmes prix avec une seule étoile et des propositions beaucoup plus classiques.
Information
Adresse
La Réserve Paris – Hôtel et SPA, 42 avenue Gabriel 75008 Paris
Contact
+331 58 36 60 50 Site Web
Horaires
Tous les jours sauf samedi et dimanche, de 12h30 à 17h00 et de 19h30 à 21h30
Réception
Réservation
restaurant@lareserve-paris.com
Accueil
Evidemment courtois et professionnel
Restaurant
Type de cuisine – Cadre
Le Gabriel est la table gastronomique de l’hôtel La réserve où officie le chef Jérôme Banctel. Décor de style Empire revu et corrigé par Garcia et pourtant, très élégant avec même une certaine forme d’épure. Le luxe dans sa beauté discrète et presque chatoyante à la fois. Un très bel endroit.
Carte – Plats et vins
Trois menus pour le déjeuner et le dîner : ‘Escales’ (€78), uniquement au déjeuner : Champignon crème, jaune d’œuf au miso ; Carotte des sables à la chaux et gingembre ; Maquereau sur galet, amandine confite, bourride ; Caille au Binchotan, ail noir, salsifis fermentés ; Kiwi à la chaux, sabayon chartreuse. Menu ‘Virée’ : Carotte des sables à la chaux, gingembre ; Langoustine, mangue laquée, condiment yuzu kosho ; Maquereau sur galet, amandine confite, bourride ; Roulé de cochon, agria, nori et coquillages ; Caille au Binchotan, ail noir, salsifis fermentés ; Meringue, pamplemousse rose et salicorne ; Topinambours, fruit de la passion et caramel (€158 par personne pour l’ensemble de la table). Enfin, menu ‘Périples’ : Saumon au miso, patate douce au piment ; Cœur d’artichaut à la chaux, vinaigre Sakura ; Saint Jacques, truffe noire, chou vert fermenté ; Homard au Binchotan, praliné de courge, butternut au Ra-yu ; Sole étuvée, champignons pied bleu et truffe noire ; Canette Apicius, navet glaçon, datte à la menthe ; Riz au lait saké kasu, marmelade d’agrumes ; Gousse de vanille, baba au Woodford Reserve (€218 par personne pour l’ensemble de la table).
Auxquels s’ajoute bien sûr une carte des vins très complète à des tarifs convenus.
Repas
Va donc pour trois menus Virée, accompagnés d’une bouteille de Puligny Montrachet Village 2018 de chez Blain-Gagnard (à €170 quand même pour un village, soit un coefficient multiplicateur qui dépasse les 4) et une bouteille de Cos d’Estournel 2008 à €266 – difficile d’évaluer le coefficient multiplicateur sur ce Saint-Estèphe, les cotations à l’achat sur internet pour une bouteille de ce millésime variant de €118 à €132, €187 et même €210, selon l’intermédiaire bordelais retenu… Quoi qu’il en soit, le Bordeaux semblerait plus abordable que le Bourgogne au Gabriel.
Quant aux plats, inutile de les reprendre un par un, chacun ayant fait l’objet de descriptifs précis – et généralement enthousiastes, de tous les critiques gastronomiques de la place. Et de fait, la cuisine de Jérôme Banctel vaut véritablement le voyage. S’il ne fallait en retenir que deux, nul doute que nous choisirions la Carotte des sables à la chaux, gingembre et la Langoustine, mangue laquée, condiment yuzu kosho – sans oublier non plus les desserts, remarquables. Enfin, pour ceux qui ont le courage d’avouer leur ignorance, sachez que le Binchotan est un bois blanc extrêmement dur qui sert notamment à purifier l’eau au Japon depuis plusieurs siècles et qui est ici utilisé dans la cuisson.
Notre avis – Qualité/prix
Repas somptueux dans un cadre enchanteur pour un total de €918 soit €306 par personne, vins compris. C’est un peu moins cher qu’un trois étoiles Michelin (le Gabriel n’en n’a effectivement que deux) mais cela vaut pour nous ses cinq palmes. Une autre question récurrente toutefois se pose. A considérer que la matière première soit facturée à son juste prix (30% de €158 soit €47 pour un champignon, une carotte, un maquereau, une caille et une meringue), la liste des vins (ici comme ailleurs) fait systématiquement doubler le compte total. A continuer comme cela, on boira de l’eau au restaurant – et les restaurateurs feront faillite. Peut-être que proposer quelques bouteilles correctes à des prix plus abordables serait une première façon de concilier bonne gestion et satisfaction du client. En attendant, Le Gabriel est sans conteste l’une des plus belles tables de notre sélection.
Taillevent
Le 11 avril 2022