Ce premier Édito accompagne la mise en ligne du nouveau site de l’Académie. Comme pour toute naissance, il n’est pas dénué d’émotion surtout quand celle-ci s’inscrit sur fond de défi : à l’heure de la suprématie des réseaux numériques (on ne voit pas en effet ce qu’ils ont de ‘sociaux’), relancer un support qui privilégie expérience et compétence aux réactions instinctives d’internautes est bien un défi. Et nous verrons à l’usage s’il est relevé.
Mais cet Édito est également un moyen de revenir sur quelques faits saillants qui ont pu émailler la chronique œnologique et gastronomique française au cours de ces dernières semaines. Et donc, d’évoquer la sortie du Michelin 2020. Le ‘Guide Rouge’, conspué par les uns tout en étant reconnu incontournable par les autres, ne manque en effet pas de défauts. Au-delà des reproches habituels (conservatisme teinté à l’occasion d’aventurisme), nous lui voyons pour notre part deux faiblesses principales.
La première est le non-respect par le guide de principes qu’il pose lui-même comme essentiels et notamment, celui de la durée. Comment attribuer des étoiles à des établissements qui n’ont que quelques mois d’activité – sinon à admettre que contrairement à ce qu’il proclame, le guide donne bien ses étoiles à des chefs et non à des restaurants ? Comment justifier autrement ces étoiles attribuées à Stéphanie Le Quellec du restaurant La Scène (voir critique) ou à Alain Pégouret du restaurant Le Sergent Recruteur ?
L’autre critique porte sur cette distinction supposée entre les étoiles et les fourchettes – quand on voit bien que pour le Michelin, l’une va rarement sans l’autre malgré ses dénégations répétées sur le sujet. Le restaurant Pottoka du chef Sébastien Gravé (voir critique), qui propose une cuisine remarquable dans un cadre qui ne l’est pas, en est un exemple parlant.
Pour le reste, le guide fait ce qu’il peut et, surtout en province, le fait généralement bien dans la mesure où il laisse rarement à l’écart une adresse méritant d’être signalée. On peut ne pas être d’accord sur le nombre d’étoiles décernées (difficile de comprendre pourquoi la cuisine du restaurant du Château du Mont Joly près de Dole est étoilée quand celle du restaurant Les Caudalies à Arbois ne l’est pas), mais au moins ce dernier est-il mentionné.
À Paris, on entre davantage dans les jeux de l’amour et du hasard. Certes, cela n’atteint pas les dimensions croquignolesques d’un Rubin dans le Figaroscope, mais quand même. Trois étoiles attribuées à notre japonais national Kei, pourquoi pas (mais si on veut promouvoir le nippon, je suggèrerais de continuer à pousser ‘Les Neiges d’Été’ de Hideki Nishi). Deux étoiles à La Scène, qui les méritera sûrement un jour mais pas aujourd’hui. Une étoile supplémentaire à Yannick Alléno pour l’Abysse… ? Et je ne reparle pas du Sergent Recruteur – ni de Jacques Fauvat (voir critique) ou de certains abus de position comme Le Quinsou, quand les bistrots Belhara, Pottoka et autres Villaret (voir critique) attendent toujours leur macaron. Au moins se réjouira-t-on du retour des deux étoiles au Taillevent (voir critique), il était temps !
En attendant la prochaine livraison du Michelin, on continuera donc à s’en plaindre tout en en reconnaissant le côté incontournable, sauf s’il venait à se transformer en publi-rédactionnel : passons sur le sponsoring BMW mais reconnaissons que les ‘offres commerciales’ du Michelin sur son site, avec remise-prix sur des repas ont de quoi inquiéter et ne sont pas de bonne augure.